• 29.— Le groupe doit remplacer un gorupe de la 17e division coloniale qui se trouve en position à environ 3 kilomètres  au nord de Negotrir. Les reconnaissances et les prises de consigne ont lieu.


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  • 30.— Des avions boches bombardent les abords de notre bivouac. A la nuit une moitié de la batterie va occuper sa nouvelle position.


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  • 31.— Fin de la relève.


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  • 1er Avril.— Installaiton de la batterie et achèvement de la reconnaissance de la position ennemie. Nous sommes en face de la fameuse cote 1050. Mon groupe travaile avec le 61e régiment d'infanterie italienne qui fait partie de la 35e division italienne.

    L'ensemble du pays est montagneux et constitué d'une façon générale par des montagnes calcaires aux pentes très raides. De loin, le versant de ces montagnes paraît parfait mais quand on veut les gravir l'impression est toute autre. Le sol des recouvert de petits rochers gris, de pierres roulantes entre lesquelles pousse une herbe dure presque épineuse et qui rendent la marche très pénible. Sur le flanc de ces montagnes on voit se dérouler à la façon d'un long serpent des sentiers battus très étroits que suivent piétons et bêtes de somme. Ces pistes font de nombreux détours pour éviter les obstacles et malgré leur longueur elles constituent pratiquement le plus court chemin pour se rendre d'un point à un autre. A une certaine altitude et dans certaines régions, les pentes en général celles orientées vers le nord sont recouvertes de bois, le châne domine, surtout une espèce de chêne de basse taille qui pousse en taillis épais que l'on a de la peine à traverser.

    Entre ces montagnes il existe des plaines formées en général de terrains d'alluvions. Elles sont souvent plates mais plus généralement ondulées. Celle au bord de laquelle je me trouve est sillonnée par la Cerna. Le sol limoneux en est très fertile bien que sur les bords il soit très caillouteux.

    Du côté qui m'est opposé cette plaine est dominée par Monastir dont les maisons blanches et les minarets s'étalent sur deux collines. A travers cette plaine la circulation se fait en général sur des pistes ; il y a très peu de routes macadamisées. En cette saison tout va pour le mieux car les pistes, bien que recouvertes d'une couche de poussière assez épaisse, présentent au dessous une surface dure, desséchée, pouvant résister aux poids les plus lourds. Il n'en va pas de même par la pluie. Les pistes détrempées deviennent impraticables aux voitures et il arrive que même les piétons ont à parcourir en certains endroits des kilomètres avec de la boue littéralement jusqu'aux genoux. Les déplacements, les transports, se fait généralement à dos de poneys d'Albanie ou d'ânes minuscules. C'est curieux de voir les longues files de ces animaux chargés de toute sorte de choses destinées aux poilus et poussés à coups de trique par des êtres dont il est difficile d'établir la race.

    « Le long de la boucle de la Cerna, celle qui passe devant Monastir, s'étand une plaine de deux à trois kilomètres de largeur, où l'on trouve d'anciennes traces de culture autour des villages situés le long du fleuve : Negotrir, Ribarci, Novak. C'est ici ce que l'on nomme en terme militaire la Trouée de Monastir.

    En se dirigeant vers l'est on se heurte aussitôt aux premiers contreforts de la chaîne montagneuse de la Selecka-Planina qui s'étend vers le nord jusqu'à la hauteur de Pilep. Ces monts arides et rocailleux occupent les trois quarts de la Boucle dont la largeur sur la ligne de notre front est de 18 à 19 kilomètres. Ce ne sont pas d'harmonieux vallonnements s'étageant progressivement les uns au dessus des autres, mais bien des amas successifs d'énormes rochers aux pentes abruptes, aux coupures brusques, présentant les altitudes les plus variées.

    Des ravins étroits et profonds au fond desquels des petits ruisseaux descendent en cascade, les séparent et c'est un enchevêtrement titanesque, chaotique de pics sauvages, brûlés par le soleil et de crevasses tragiques toujours remplies d'ombre.

    Quand au mois de novembre 1916, les Serbes après s'être emparés du Kaïmachkalan, passèrent la Cerna, ils eurent à enlever, appuyés par nos troupes coloniales, la partie sud-est de cette chaîne et une lutte formidable se déroula dans le massif de Cuka qui dresse ses rochers le long du fleuve.

    Il faut se promener sur ces montagnes pour juger avec quelle âpreté elles furent attaquées et défendues. La guerre est ici écrite sur le terrain. On y voit les lignes de trous de tirailleurs que creusaient les hommes à chaque nouveau bond ; ces lignes sont quelquefois rapprochées de 4 ou 5 mètres tant la progression était difficile. Le soldat rampait lentement sous les balles et les obus, puis parvenu à son nouvel emplacement, il se créait un petit abri. D'abord il commençait par entasser devant lui quelques unes de ces pierres plates dont les pentes sont couvertes et qui proviennent des friables rochers de schiste, ensuite s'il en avait le temps, avec son outil individuel, il creusait le sol pour s'y enfoncer plus complètement. Chaque colline est ici couverte du pied au sommet de ces alvéoles. Autour d'eux des trous d'obus en nombre incalculable et tout l'émouvant bric à brac des champs de bataille : fils cassés, obus non éclatés, lambeaux de vetements, casques défoncés, fils de fer barbelés, paquets de cartouches, canons brisés, torpilles aériennes, chevaux morts, masques contre les gaz ; puis des tombes, des tombes partout, dans tous les ravins, au bord de toutes les pistes, ici des Serbes, là des Allemands, plus loin des Bulgares. En avançant on découvre nettement l'endroit où la débâcle de l'ennemi commença.

    Dans les tranchées bouleversée il reste encore des traces du matériel qu'il dut abandonner. Ici les morts ont été enterrés hâtivements et mal. Quelques pelletées de terre furent simplement jetées sur eux et l'on voit sortir de ces petits tertres, des mains racornies, des pieds bottés, des morceaux de crânes. Plus loin ils n'ont plus reçu de sépulture et l'on en découvre dans les fossés ou parmi les rues. Les bêtes de nuit, les chiens errants et les corbeaux ont rongé leurs cadavres en décomposition. Ils ne sont plus qu'un amas d'os et de chair putréfiée. J'en connais un qui se trouve au sommet d'un pic. Il est assis appuyé sur un rocher, sous l'effet de la neige d'abord et du soleil ensuite, sa tête s'est momifiée et son bras étendu semble désigner la plaine. C'est un bulgare, sa casquette est restée à côté de lui. Spectacle effroyable devant lequel on devrait bien mener un jour Ferdinand faire ses méditations.

    Dans ce pays, que doivent être les arrières d'une armée ? Il faut tout créer : les routes, les points d'eau, les cantonnements, les ponts, les chemins de fer à voie étroite. Il faut faire sauter les rues à la dynamite pour établir des chemins sur lesquels les canons seront hissés jusque sur les sommets. Il faut déployer des trésors d'habileté, de méthode et de prévoyance pour arriver à ravitailler les troupes en vivres et en munitions. Et à chaque pas que l'ont fait en avant il faut recommencer. Efforts prodigieux qu'on ne semble pas supposer en France. »

    Dans cette région de la cote 1050 nous sommes assez tranquilles bien qu'il y ait de bonnes petites rations distribuées journellement. Nos positions sont dans le bled. Ici plus de casemates, plus de cagnas comme en France. Lorsque le terrain s'y prêt on creuse quelques trous que l'on recouvre de roseaux et de terre mais souvent on trouve de l'eau à faible profondeur et alors c'est la guitoune forcée. La région est très marécageuse aussi la quinine fait-elle partie de l'ordinaire, pour éviter le paludisme, nous en prenons d'autant plus que la chaleur commence à se faire sentir fortement. Cela promet des réjouissances pour juillet et août. Ce qu'il y a de plus terrible dans la région où nous sommes c'est qu'il n'y a pas un arbre, pas même un buisson, mais pas un seul, pour se mettre à l'ombre. Mon point d'observation est dans un rocher, c'est mortel l'après-midi. Sous peu je ne doute pas que le soleil nous oblige, français et boches, à une trêve forcée au cours de la journée. Les moments de répi sont assez nombreux. Ne sachant comment employer notre temps nous le consacrons à la lecture, mais comme ces dernières ressources ne sont pas très ocnsidérables, nous faisons l'élevage des torutes. Il y en a des quantités ici, on les trouve sans les chercher. Nous en avons un certain nombre dans une sorte de parc où elles prennent leurs ébats et c'est comme de grands enfants que nous assistons durant de longs moments à toutes leurs évolutions. Peut-être un de ces jours finiront-elles dans la casserole, comme l'on dit, nous fournissant un plat qui de l'avis des gourmets est délicieux.

    A environ 500 mètres au nord de ma batterie s'élèvent les ruines du village de Suchordol, une ou deux maisons et l'église subsistent encore. Ce village est occupé par des réserves italiennes qui pour s'installer ont utilisé les décompbres ou ont dressé leurs tentes aux abords de ce qui fut autrefois le village. Ils ne sont pas nombreux les villages mais ceux qui existents, Oreovo, Paralovo, Biljanic sont également en ruines. Celui de Parabovo était construit sur le flanc de la montagne, seul son monastère est conservé. Les chiens n'ont pas abandonné la région, ils vivent en troupeaux à l'état sauvage et il ne se passe guère de jour que les coups de feu en abattent quelques un lorsque les bandes tentent d'arrêter les convois.


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  • 21.— En prévision d'attaques que nous devons exécuter, je reçois l'ordre de reconnaître une autre position de batterie à l'ouest de Subodol, de façon à avoir de meilleurs feux sur la cote 1050.

    Les jours suivants la position reconnue est aménagée puis occupée dans la nuit du 30.


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